L'exception culturelle, l'union européenne, le beurre et l'argent du beurre

27436.jpgCertains ministres, des artistes, des sociétés d'auteurs et on en passe protestent contre la volonté de la Commission européenne, clairement exprimée par son Président, d'inclure les biens et services culturels dans le champ d'un possible accord commercial transatlantique. Mais que reste-t-il de l'exception culturelle au juste ?

La France, patrie du droit d'auteur entend-on souvent. Certes, elle le fût... jusqu'à la loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique.

La « propriété », le mot qui change tout

Contrairement à la tradition juridique française qui, depuis la Révolution et jusqu'au déclenchement de la seconde guerre mondiale, définissait l'auteur comme titulaire d'un « privilège exclusif d'exploitation temporaire », la loi nouvelle, au départ issue d'une commission mise en place par le gouvernement de Vichy pour satisfaire non plus les auteurs, mais la corporation des éditeurs, définit l'auteur comme un propriétaire.

Tout au long du XIXème siècle et jusqu'au gouvernement de Front Populaire, la pensée dominante considérait que l'une des raisons majeures de s'opposer à la notion de propriété intellectuelle était précisément qu'elle ramenait les œuvres de l'esprit au rang de simples biens, donc de simples marchandises.

Alors, réclamer aujourd'hui une exception culturelle alors même que la loi définit une œuvre d'art comme étant une chose est un non-sens. Peut-être faudrait-il commencer par revenir aux fondements du droit d'auteur, ce que rien n'empêche car d'autres États membres de l'Union européenne n'ont pas fait cette transition du droit d'auteur vers la propriété intellectuelle. Tel est le cas de la République Tchèque par exemple.

Si une œuvre est une chose, fût-elle incorporelle, dont on peut être propriétaire, alors elle est — ou sera — inévitablement soumise aux seules lois du marché, puisque telle est l'orientation générale de la construction européenne. Réclamer qu'il en soit autrement sans remettre en cause cette définition, c'est vouloir le beurre et l'argent du beurre.