Solid State Logic - AWS 900

Est-ce vraiment une coïncidence ? À quelques pages d’ici vous pouvez partager nos doutes quant à la survie des modes habituels de production musicale face à la montée d’internet. Et voilà qu’un fabricant devenu légendaire non seulement grâce à la qualité de ses produits, mais aussi à sa capacité d’anticipation des besoins techniques et matériels à mettre au service des professionnels, nous présente une console analogique 24 voies directement inspirée de la célèbre série XL 9000 K combinée à une surface de contrôle type HUI et qui pourrait bien faire les beaux jours de labels ou d’artistes souhaitant se développer en dehors du circuit des majors...

Il y a des instants qui marquent à jamais la vie d’un ingénieur du son, et la première rencontre un peu intime avec une SSL en fait partie. Alors, au risque de se départir un instant du devoir de réserve du journaliste, je ne peux m’empêcher de décrire ces rares moments de la nuit perpétuelle qu’est la vie en studio, quand des artistes crétins, des musiciens abrutis, en venaient à me faire me demander ce que je faisais là. Il suffisait alors que mon regard se porte sur la sérigraphie de la console pour que mon amour du métier reprenne force et vigueur à la lecture de ces simples mots : « Solid State Logic - Oxford - England. » Ne croyez pas que cela fausse mon jugement pour autant, on est généralement moins tolérant avec ceux que l’on aime.

Concept général

L’AWS 900 regroupe à la fois une console analogique et une surface de contrôle qui reprend la norme HUI Mackie et permet donc de piloter tout logiciel dtd compatible tel que Pro-Tools, Logic Audio ou encore Nuendo. La console analogique dispose de 24 voies, 8 bus auxiliaires, 2 bus stéréo ainsi que de 2 départs stéréo/casque, l’un ou l’autre pouvant être utilisé sur chaque tranche, et 4 départs d’effet dont deux peuvent être utilisés simultanément sur chaque tranche. Un potentiomètre virtuel permet d’avoir sous la main pratiquement n’importe quel paramètre du dtd relatif à une piste, de l’assignation des entrées au volume en passant par le niveau de départ auxiliaire. Enfin le fader qui est en fait un contrôleur MDAC haute résolution (technique employée originellement par la fameuse console Harrison X et reprise entre autres par Euphonix). La partie surface de contrôle dispose d’un écran TFT qui pourra être repris sur une sortie VGA dans une prochaine version, et qui affiche aussi bien certains paramètres propres à la console que certains de ceux du logiciel dtd tels que réglages des plug-ins ou de routing. L’ajustement de ces paramètres se fait à l’aide des quatre potentiomètres et des trois rangées de poussoirs situés juste en dessous. Viennent ensuite divers boutons qui sont en fait autant de raccourcis permettant la navigation entre les fenêtres du dtd ainsi que la sélection de la fonction assignée au potentiomètre virtuel des tranches. Les commandes de zoom d’affichage, de transport et le pavé numérique complètent cet ensemble qui permet pratiquement de se passer du clavier de l’ordinateur, à l’exception toutefois de la saisie des textes. Nous aurions apprécié un trackpad ou mieux une trackball (à la Neve) qui aurait avantageusement remplacé la souris. Sur la partie tout à fait à droite de la console se trouvent les commandes de la section d’écoute. Celle-ci est indubitablement le point le plus fort de l’AWS 900 car capable de gérer jusqu’à 4 sources et deux systèmes d’écoute en 5.1 en plus de deux paires de petites écoutes qui peuvent tout de même bénéficier de la présence du caisson de graves tant la souplesse des réglages possibles est grande. Il y a même un générateur de bruit rose pour parfaire les réglages, comme dans tout bon système de home cinéma diront les mauvaises langues. Nous retrouvons ici avec bonheur la possibilité qu’offrent les SSL 9000 d’additionner plusieurs sources d’écoute, en fait toutes les sources d’écoute. Enfin, une SSL ne serait pas digne de ce nom sans le fameux compresseur de sortie, ici présent en version stéréo, celui-là même au travers duquel sont passés tant de tubes depuis tant d’années. À ses côtés, les deux compresseurs/expanseurs qui doivent se sentir bien seuls, car on en trouve habituellement un sur chaque tranche, moyennant un prix d’achat au moins six fois supérieur il est vrai. Le bruit court que SSL pourrait proposer des racks externes de huit de ces compresseurs... gémissons mais espérons.

Installation

Tout commence avec un beau paquet cadeau, en bois et pesant près de deux cents kilos, alors que la console elle-même n’en fait « que » cent pour vous donner une idée du soin dont elle est l’objet. Quatre personnes sont requises pour la sortir de l’emballage et la relever une fois fixée à son support, qui est fourni bien évidemment. Le raccord au secteur se fait par un impressionnant câble orange car l’alimentation se trouve à l’intérieur de l’AWS 900 et n’utilise aucun ventilateur, le refroidissement s’effectuant à l’aide d’un imposant radiateur. Un mot à propos de la maintenance, la maison SSL ayant une réputation à tenir : le faible encombrement de l’AWS 900 (1,45m x 88cm) est rendu possible par l’utilisation de cartes sur lesquelles il n’est pas possible d’intervenir. En cas de problème, il sera donc simplement procédé à l’échange standard de la carte incriminée, le concessionnaire disposant d’un stock proportionnel au nombre de systèmes installés. Toutefois, certains éléments tels que les potentiomètres peuvent être remplacés par un technicien agréé. Il vous est donc très fortement conseillé de ne jamais tenter de démonter l’AWS 900, ne serait-ce que par curiosité, il y circule une tension électrique supérieure à 350 V continus, c’est à dire mortelle au moindre contact, bande passante de près de 200 kHz oblige. Première bonne nouvelle, malgré les 600 W qu’elle consomme l’AWS 900 chauffe nettement moins que ses grandes soeurs (l’absence de bargraphs au plasma n’y est pas étrangère) ce qui est agréable pour les longues séances - même en hiver, tout en évitant d’alourdir l’investissement côté climatisation. Maintenant que nous voici douillettement installés, il est temps d’effectuer quelques branchements.

Connectique

Très facilement accessible et organisé d’une façon très aérée, le panneau de connexion situé à l’arrière est d’une clarté remarquable. Les 24 tranches disposent de trois entrées, micro et ligne sur connecteur XLR et instrument (haute impédance) sur Jack asymétrique, d’un départ et retour d’insert sur Jack symétriques ainsi que d’une sortie directe sur XLR. À ceci s’ajoutent sur les tranches 5 à 12 les connecteurs MIDI soit 4 IN et 4 OUT/THRU. L’ensemble des autres connexions est regroupé sur 10 cartes et comprend 4 départs (mono) et 4 retours (stéréo) d’effets, 2 départs casque (stéréo), les entrées latérales des 2 compresseurs, 2 sorties principales stéréo avec leur départ et retour d’insertion respectifs, 4 sorties d’écoute (2 grande écoute en 5.1 et 2 petite écoute en stéréo), l’incontournable sortie de l’oscillateur / générateur de bruit rose, entrées et sorties des micros d’intercommunication de et vers la cabine (Talk Back et Listen Mic), le point d’insertion de l’écoute principale (5.1), une sortie pour un vu-mètre externe (en option) et enfin les entrées externes permettant de raccorder jusqu’à 4 sources stéréo (cd, dat, etc.) et 4 sources 5.1 (sorties du daw, dvd, genex, etc.). Les connexions sont toutes symétriques via XLR, Jack ou D25, et l’usage d’un patch externe peut s’avérer fort utile. Nous sommes donc à présent en mesure de nous en payer une bonne tranche.

La console

Chacune des 24 tranches analogiques commence par présenter deux led-mètres à 12 segments, le deuxième n’étant utilisé qu’en cas d’affichage de pistes stéréo du dtd. Juste en dessous l’assignation de sortie vers les huit bus accompagnée des boutons « pre » qui envoie alors un signal pre-fader et « pan » qui envoie alors le signal post-pan. La gestion des modules dynamiques vient ensuite via quatre boutons poussoirs qui permettent de sélectionner le module1 ou 2 ainsi que sa position dans la chaîne de traitement du signal par rapport à l’égaliseur et à l’insertion, rendant ainsi possible n’importe quelle combinaison de ces trois éléments. Cette première section de la console est parfaitement verticale, l’incliner très légèrement vers l’arrière en aurait peut-être agrémenté l’usage, mais c’est un détail. Passons à la tranche proprement dite qui débute avec la section préampli, typique de la marque, composée des deux potentiomètres des gains respectifs des entrées micro et ligne ainsi que des inverseurs d’alimentation fantôme, de la sélection d’entrée instrument, de l’atténuateur, de phase et d’entrée ligne ou micro. Nous passons ensuite à celui que vous attendez tous, l’égaliseur. Celui-ci est presque identique à celui des séries XL 9000 dans la mesure où il n’y manque que le filtre passe-bas. On y retrouve donc le filtre passe-haut, le choix entre types E et G, du nom des séries de consoles qui les ont inspirés, et offrir les deux fût l’unique moyen de contenter tout le monde, et bien sur les célèbres 4 bandes toujours aussi efficaces, puissantes et précises, aiguës et graves en plateau, avec possibilité de paramétrique à pente fixe, haut et bas médiums paramétriques. C’est ici aussi que se glisse comme à l’habitude l’interrupteur d’insertion et le choix de sa position pre ou post eq, juste au dessus de l’interrupteur servant à activer l’égaliseur. Vient ensuite un simple inverseur, mais qui montre la puissance du routing, puisqu’une pression sur « direct pre/efx » permet d’envoyer le signal sur la sortie directe ou sur le bus sélectionné sans passer par le fader. Suivent le départ casque à choisir parmi les deux circuits disponibles, et les deux départs d’effet à choisir parmi les quatre disponibles. Là encore, un inverseur « efx » redirige le signal vers le bus sélectionné ou la sortie directe, le potentiomètre de départ d’effet servant alors à ajuster ce niveau. Dernière partie de la tranche analogique, le panoramique flanqué des deux boutons d’assignation vers les deux bus stéréo baptisés « mix » et « record. » L’utilité d’avoir ces deux bus réside entre autres dans la souplesse apportée aux réglages d’écoute pour les musiciens lors des séances d’enregistrement, et pour contourner la latence de certains dtd le cas échéant. La section suivante appartient à la surface de contrôle et permet l’affichage et l’édition de divers paramètres des pistes dtd (panoramique, niveau de départ d’effet, etc.) et se compose de deux afficheurs, d’un potentiomètre virtuel, de boutons « solo » et « cut » assez classiques et d’un bouton permettant de sélectionner la piste dtd correspondante. Enfin, les « solo » et « cut » de la tranche, précèdent le fader motorisé de 100 mm à côté duquel un petit poussoir permet de choisir le mode d’automation du dtd. Et bien sur, une fois toutes ces tranches analogiques ajustées finement à votre séance, il vous sera possible d’enregistrer vos réglages dans le « Total Recall », en option tout de même.

La surface de contrôle

L’AWS 900 utilise trois entrée / sorties MIDI pour communiquer avec l’ordinateur. Lors de nos tests, celui-ci était un Macintosh G4 équipé d’un ProTools HD3. La prise en main des diverses commandes disponibles est plus rapide qu’on ne le pense, même si l’aspect anonyme des potentiomètres et boutons situés en dessous de l’écran est un peu déroutant au début. Le fait de pouvoir assigner pour ainsi dire n’importe quel paramètre aux potentiomètres virtuels des tranches et le fait que ceux-ci sont juste au dessus des faders, donne rapidement une grande sensation de confort. Le passage du mode analogique au mode dtd est clairement représenté par l’illumination en bleu/vert du bouton dédié à cette fonction ce qui permet d’éviter la confusion, de même le défilement des pistes dtd, lorsqu’il y en a plus de vingt-quatre, est aisément accessible. Le reste des fonctions qui reprend les raccourcis clavier est juste une question de « mémoire des mains » de la position des boutons modificateurs control-option-alt-shift. La partie transport tombe bien sous la main, les diverses fonctions de zoom sont intelligemment combinées aux modes de sélection que la molette rend précise et agréable. Bien sur tout cela nécessite un certain apprentissage mais l’ensemble nous est apparu largement aussi convivial qu’une Pro Control, voire un peu plus, à part peut-être la présentation des paramètres des plug-ins, mais celle-ci étant sur écran nous pouvons sans doute espérer des améliorations lors de prochaines version du logiciel. À propos, ce dernier est disponible sur le site SSL sous forme d’un programme en Java qui fonctionne aussi bien sous Mac que Windows (nous l’avons même fait fonctionner sous Linux), et la mise à jour se fait via MIDI.

Conclusion

L’AWS 900 a beau faire moins d’un mètre cinquante de large, nous sommes bel et bien en présence d’une « vraie » SSL dont les qualités sonores sont au delà du soupçon, et l’ergonomie tellement semblable à celle de ses grandes soeurs, dans sa logique - à défaut de son implantation, que les habitués s’y retrouveront comme à la maison en moins de deux heures. Pour les autres, disons que ce sera l’occasion d’apprendre, car il s’agit là d’un console haut de gamme dont l’utilisation nous paraît requérir des compétences légèrement supérieures à celle du home-studio habituel. Toutefois, la cohérence entre les deux sections, analogique et surface de contrôle, la souplesse du routing, la gestion de quatre systèmes d’écoute, l’éventail des possibilités de monitoring en font un outil d’un confort exceptionnel en regard de sa destination. On peut juste se demander si son positionnement dans la grille des tarifs doit absolument être aussi sélectif, mais quoi qu’il en soit l’arrivée de l’AWS 900 symbolise concrètement le tournant amorcé par l’industrie musicale en ce début de siècle.

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