Des trous et des failles

Les majors continuent de s’enterrer. Aux États-Unis, la MPAA soumet (encore) une proposition de loi visant à imposer aux fabricants de matériel l’intégration de dispositifs faisant perdre le contrôle de son appareil par son propriétaire.

Le but est toujours le même, combler la "faille analogique" qui, du fait des lois fondamentales de l’univers, impose une conversion numérique/analogique pour que nos yeux et nos oreilles puissent accéder au programme. Cette étape et celle qui rend à tout jamais impossible d’empêcher la copie, et avec internet il suffit d’une seule de ces copies pour ruiner tous les efforts des majors. On leur a dit et répété, je l’ai même personnellement clamé devant Pascal Nègre et le ministre de la culture de l’époque, Jean-Jacques Aillagon, mais bon...

L’industrie persiste et signe en proposant que les nouveaux "moyens de protection" soient non seulement placés à la diffusion, mais surtout au moment de l’enregistrement. Les films ou la musique diffusés porteraient alors une marque invisible ou inaudible qui serait détectée par le dispositif d’enregistrement, le bloquant le cas échéant. Ainsi, en filmant les premiers pas de votre dernier né, le caméscope se bloquerait si par mégarde la télévision se trouve dans le champ, en train de diffuser une oeuvre protégée.

La seule issue prévisible, à mon humble avis, est que les majors vont en effet parvenir à leurs fins et que ces dispositifs, extrêmement restrictifs du point de vue des libertés individuelles, finiront par arriver dans nos maisons.

Les producteurs indépendants - dont on aura pris soin de ne pas leur permettre d’accéder à ces dispositifs par la pratique de tarifs prohibitifs, verront alors leurs productions bénéficier d’une diffusion - et donc d’une promotion splendides, tout en constituant des catalogues dont la qualité, éprouvée non plus par des publicitaires-communiquants mais par le public, les rendra pérennes. Dans le même temps, les majors s’enfermeront définitivement dans le tout-marketing et les bénéfices à court-terme, ce qui sera la cause de leur ultime disparition.

Aujourd’hui déjà, un nombre grandissant d’artistes n’est plus intéressé par la filière que représentent les majors, principalement en raison des contrats iniques qui sous des apparences avantageuses, révèlent en fait tant d’abattements à chaque page, entre autres pour faire payer par l’artiste ces "moyens de protection" dont tout le monde sait qu’ils ne fonctionnent pas, qu’ils en sont devenus purement et simplement inacceptables.

La "faille analogique", en anglais "analog hole", est en train de devenir le trou noir, the black hole, à l’intérieur duquel les majors se précipitent à la vitesse de la lumière vers leur propre désintégration. Quel gâchis.

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